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« J’ai perdu mon bébé, et les femmes à la maternité réclamaient qu’on me chasse parce que je dégageais des odeurs nauséabondes ; mais grâce à vous, j’ai recouvert ma guérison et ma dignité », témoigne Donavine Ndayikengurukiye, une femme de 23 ans qui a souffert à ses 19 ans de la fistule obstétricale, dite maladie de l’arrière-cour. Donavine est l’une des personnes qui étaient présentes le vendredi 09 février 2024, quand le Fonds des Nations Unies pour la Population (UNFPA) a lancé son 09ème Cycle de Programme de Coopération avec le Burundi qui va durer 04 ans (2024-2027). Ce fût une journée riche en émotions. Tantôt des larmes de compassion, tantôt des fou rire à la suite de plusieurs témoignages aussi bien émouvants qu’instructifs qui ont été partagés sur les résultats déjà atteints. En effet, la meilleure manière de lancer ce nouveau programme fût de revisiter les acquis du précédent programme (2019-2023) dont par ailleurs les cérémonies de clôture fût le même jour.

Les cadres des différents ministères et les différents administratifs provinciaux, les délégués des ambassades et des agences onusiennes, les représentants des différentes organisations aussi bien nationales qu’internationales, les médias sans oublier les délégués des associations de jeunes étaient tous présents à ces cérémonies de lancement du nouveau programme de coopération entre le Burundi et UNFPA. Des échanges fructueux ont été partagés à la suite des résultats qui ont été obtenus dans les 5 dernières années.

Derrière des chiffres, des vies sauvées !

Au cours de son programme, UNFPA Burundi et ses partenaires ont appuyé le Burundi à accélérer la vision accès vers l’atteinte des 3 résultats transformateurs aussi dit les 3 zéros à savoir : zéro décès maternel évitable, zéro besoin non satisfait en planification familiale et zéro violence basée sur le genre et pratique néfaste. Des progrès encourageants ont été enregistrés par le Burundi et partagés à l’assemblée ce vendredi. Avec les grands résultats partagés dans chaque domaine, ceci a été une occasion de mettre des visages derrière ces données parlantes pour non seulement que chacun puisse apprécier dans sa juste valeur le travail qui a été accompli mais aussi pour permettre à tout un chacun de rentrer avec de nouvelles énergies et engagements pour sauver plus de vies. Donavine Ndayikengurukiye est revenue sur le calvaire que vivent les femmes qui souffrent de fistule obstétricale. Etant tombée enceinte à 19 ans, elle n’a pas compris ce qui lui arrivait quand elle a eu la fistule obstétricale. Cette dernière est une maladie qui survient par suite d’une complication liée à l’accouchement. « Je faisais tous mes besoins sur moi-même, je ne pouvais plus rien retenir, dans ma communauté on m’a surnommé la femme qui fait pipi sur elle-même. Dans la rue des enfants me huaient, oh quelle honte », partage Donavine avec beaucoup d’émotions, émotions qui planaient même dans toute la salle.


Donavine entrain de partager son témoignage

Grâce à l’appui de l’UNFPA à travers le Ministère en charge de la Santé Publique et le centre Urumuri, (seul centre traitant la Fistule Obstétricale au Burundi) 661 femmes ont été opérées pendant le 08ème Programme et 94% d’entre elles sont totalement guéries. Donavine, qui est l’une d’entre elles a eu la bénédiction d’avoir une petite fille une année après sa guérison et a opté avec son mari de faire la planification familiale. « Je pense que j’ai eu cette maladie car j’ai accouché étant très jeune. Avec mon mari nous avons choisi de faire la planification familiale pour que non seulement mon corps se repose au risque d’avoir une autre fistule obstétricale mais aussi pour attendre que notre petite fille grandisse un tout petit peu. », ajoute-t-elle. En outre, un appui a été octroyé à certaines d’entre ces femmes pour leur permettre une bonne réinsertion socio-économique, un élément qui selon Donavine lui a accordé la stabilité et le respect dans sa communauté.

A l’instar de Donavine, Médiatice Karikumutima, est une autre femme qui a retrouvé le respect grâce à son autonomisation économique. Abandonnée et laissée pour compte avec 6 enfants par son mari, elle ne savait plus quoi faire ni comment survivre avec ses enfants. Mais aujourd’hui sa vie a complétement changé à travers le groupement solidaire de femmes dont elle fait partie en province de Mwaro. Ce dernier fait partie des groupements solidaires qui ont reçu un appui de UNFPA à travers le ministère en charge du genre pour contribuer à l’autonomisation des femmes et lutte contre les violences basées sur le genre. Autonome, elle a retrouvé le respect de son mari et son entourage : « mon mari m’avait abandonnée et à chaque fois c’étaient des menaces de sa part, mais grâce à l’appui de l’UNFPA nous avons eu des gains, j’ai pu faire construire une maison pour mes enfants et moi, j’ai commencé l’élevage, j’ai fait beaucoup de progrès qu’aujourd’hui je ne manque de rien », partage Médiatrice. Elle raconte que son mari est revenu à la maison et qu’aujourd’hui il a tout le respect pour sa femme. Médiatrice en a profité pour sensibiliser d’autres femmes de sa communauté ce qui lui a permis de faire partie des administratifs communal : « Quand mon mari a appris que j’ai pu me relever il est rentré et s’est excusé. Nous nous sommes réconciliés et aujourd’hui il ne me traite plus n’importe comment. Je sensibilise dans ma communauté des femmes comme moi pour leur dire de croire en elles-mêmes et de se relever, ainsi elles pourront aller beaucoup plus loin et avoir le respect de leurs familles et communauté », termine Médiatrice.


" Je suis plus qu'engagée à sensibiliser toutes les femmes de ma comunauté pour qu'elle devienne autonome"

Plusieurs témoignages ont été partagés et ont suscité beaucoup d’émotions. Comme le témoignage de cette fille qui est devenue mère à ses 14 ans et dont la dureté de la vie et la mauvaise compagnie lui ont ouvert les portes de travailleuses de sexe. Comme elle l’a partagé dans l’anonymat, cette jeune mère a été victime de proxénétisme. Avec beaucoup de larmes, elle a montré combien beaucoup de jeunes filles de son âge ont besoin d’être secouru comme elle l'a été. Ainsi, elle pourront être sauvées et pourraient espérer un avenir meilleur. Grâce à l’appui de l’UNFPA, cette jeune mère avec d’autres travailleuses de sexe ont eu une formation de couture et un don de machine à coudre. Elle témoigne qu’elle n’est plus travailleuse de sexe mais aussi que non seulement aujourd’hui elle a un atelier de couture prometteur mais qu’elle est parvenue à avoir des bénéfices qui lui ont fait faire beaucoup de progrès en combinant la couture avec de l’élevage et d’autres petits commerces.

D’autres témoignages ont été partagés pour d’une part montrer le travail réalisé auprès des populations en urgence humanitaire en particulier les femmes et filles, et d’autres part montrer le travail que UNFPA fait dans la lutte contre des violences basées sur le genre et le VIH. Des échanges enrichissants et des prises de consciences ont émané de ces différents témoignages. Différents participants ont apprécié le partage de ces témoignages qui leur a permis de réaliser que certes des vies ont été changées mais que chacun dans son domaine peut y apporter sa pierre afin de continuer à contribuer à améliorer la vie de ces populations.

Accélérer pour sauver plus de vies

A la fin du 08è programme, certes il a été réalisé des résultats considérables mais les défis persistent qui vont servir de base pour la mise en œuvre du nouveau cycle de Programme (9ème cycle: 2024-2027). En effet, Bien que la tendance soit à la baisse (de 6.4 en 2010 à 5.5 en 2016 selon les Enquêtes Démographique et de Santé (EDSB II et III), l'indice synthétique de fécondité, reste élevé et il est lié notamment à la faible utilisation des services de la planification familiale, à la précocité à l’entrée dans la vie procréative et cela contribue à la mortalité maternelle au Burundi, estimée en 2016 à 334/100.000 naissances vivantes. Quant à l’enquête démographique et de santé EDS 2010 du Burundi, le ratio de mortalité est de 500 femmes pour 100 000 naissances vivantes, traduisant, certes une tendance à la baisse mais des efforts restent à déployer, surtout au niveau de la qualité des soins pour juguler la mortalité maternelle intra-hospitalière qui reste élevée. Le faible niveau de connaissance et d’information des adolescent(e)s et des jeunes, en matière de santé sexuelle et de la reproduction, l’insuffisance de formations sanitaires offrant des services de santé sexuelle et de la reproduction adaptés aux besoins de jeunes, l’insuffisance de personnel formé pour l’offre le service de santé sexuelle et de la reproduction sensibles aux jeunes constituent des défis non négligeables de développement. De ce fait, un travail en synergie et complémentaire doit être fait pour accélérer les résultats et l’atteinte des 3 résultats transformateurs cités ci-haut.

Judicaël Elidje, Représentant Résident de l'UNFPA a interpellé tout le monde à concilier les forces et les moyens pour protéger la vie des femmes, jeunes filles et garçons et de toute la communauté. « Imaginons une fille de 10 ans se trouvant dans un coin reculé du pays, que pouvons faire pour que son rêve de petite fille soit réalisé un jour ? Que pouvons-nous faire pour qu’elle aille à l’école et ne tombe pas enceinte précocement, que pouvons-nous faire pour que quand elle aura grandi elle accouche sainement et puisse avec son mari s’épanouir grâce à la planification familiale… ? » A côté de plusieurs pistes de réflexion que Judicaël Elidje a proposé à l’assemblée, plusieurs autres interventions ont suivi : « Il faut tout faire pour maintenir la jeune fille à l’école. Elle n’est pas supposée vivre le calvaire que nous avons entendu dans les différents témoignages » ; « Il faut plus de sensibilisation pour que les parents apprennent à dialoguer avec leurs enfants. Nous devons aussi entre partenaires engager un dialogue franc et réaliste pour protéger nos enfants des accidents de la vie dû à un manque d’informations claires et correctes… » ; « Ce n’est pas normal que des femmes continuent à mourir entrain de donner la vie ou perdent leur bébé, on doit tous s’investir pour que la maternité reste source de joie » ; « On parle souvent des filles qui ont été violées, des filles qui tombent enceinte étant toujours à l’école, des femmes dont la vie est toujours en danger, mais où sont les hommes ? Que faisons-nous pour sensibiliser le jeune garçon ou l’homme pour qu’il ne voit plus la fille ou la femme comme un objet. On doit mettre un accent sur la sensibilisation des hommes et la punition de ceux qui commettent des délits pour décourager toute sorte de viols ».

Différents avis et perspectives d’avenir ont été partagés. Ce fût aussi une occasion pour certains de comprendre quel genre de complémentarité il faut initier ceci grâce à différents témoignages partagés. La nécessité de l’implication de l’homme a été aussi souligné. Quand l’homme s’investit, la famille ne pourra qu’aller de mieux en mieux à l’instar de celle de Dismas Niyonkuru qui a adopté une méthode contraceptive adaptée aux hommes : la vaséctomie. « Ma femme ne voulait pas entendre parler de méthodes contraceptives à cause des rumeurs autour de la vaséctomie et des croyances religieuses. Mais je lui ai dit qu’au-delà de 4 enfants on ne pourra plus assurer leur avenir. Nous devions faire quelque chose car je n’ai jamais vu mon pasteur m’apportait un sac de haricots pour nourrir nos enfants ou les faire soigner quand ils tombent malade. La responsabilité incombe aux parents et ils doivent prendre des choix et décisions conséquents », indique Dismas. Il a précisé qu'aujourd’hui son épouse ne se plaint plus, que par ailleurs elle l’accompagne dans la sensibilisation des autres couples de leur communauté.

Il est à noter que sur les 10 dernières années, la population burundaise a connu une croissance globale rapide de 30,1 %, passant de 9,5 millions en 2010 à 12,3 millions en 2020. Cette population est composée de 61 % de jeunes de moins de 25 ans en 2020, un chiffre qui devrait passer à 56 % à l’horizon 2030, selon les projections démographiques. Des progrès encourageants ont été enregistrés par le Burundi dans le domaine de la planification familiale avec un taux de prévalence des méthodes contraceptives modernes de 23% selon l’EDSB III 2016/2017, contre 18% en 2010.

Par Queen Belle Monique Nyeniteka