Vous êtes ici

Forcer d’arrêter l’école à 13 ans, elle se marie à 17 ans, tombe enceinte et a la fistule obstétricale après son accouchement. Annonciate Nshimirimana vit de honte et d’isolement pendant 10 ans. Avant de pouvoir trouver comment se faire soigner, sa mère lui suggère de se rendre chez un sorcier pour y trouver solution. Celui-ci lui donne des choses à avaler mais en vain, elle continuait à avoir tous ses besoins sur elle.


"On m'a dirigée vers un sorcier ne sachant pas que je souffrais de FO, s'exprime Annonciate.

Annonciate fait partie des femmes qui, aujourd’hui, osent en parler. Elles brisent le tabou et dévoilent tout le calvaire qu’elles ont vécu pendant qu’elles souffraient de la fistule obstétricale. « Je pouvais me faire belle pour aller à la messe car j’aime prier. Mais une fois que j’y arrivais je rentrais directement car je réalisais chaque fois que pendant mon trajet vers la messe j’avais déjà sali mes habits et que j’avais déjà fait mes besoins sur moi. Oh quel honte », s’exprime Annonciate en se couvrant le visage rien qu’à imaginer l’humiliation qu’elle a vécu. 10 ans après Annonciate apprend qu’on ne lui a pas jeté un sort, mais qu’en fait elle souffre d’une maladie traitable et guérissable. Elle entend cela à la radio et ne peut que s’en réjouir. Aujourd’hui bien portante, elle est plus que reconnaissante.

« Je suis tombée enceinte à 20 ans et pendant mes contractions ma belle-mère et ma propre mère ont refusé que j’aille au centre de santé pour accoucher, au point où je sentais la mort approchée », s’exprime de son côté Gloriose Mbonimpa. Elle indique qu’elle a dû crier très fort pour demander secours aux voisins, car sa mère et belle-mère lui disaient d’arrêter de faire la pleurnicheuse car elles aussi avaient très bien accouché chez elles. Les voisins ont accouru à son secours pour l’emmener au centre de santé sur un brancard traditionnel mais n’ont pas pu y arriver car elle a accouché en cours de chemin. C’est ainsi qu’elle a eu la fistule obstétricale.

Humiliée au point de mentir sur les symptômes…

Abandonnée par son mari pendant 4 ans, Gloriose souffre seule, chez elle, humiliée, en extrême pauvreté et désirant mourir. Décidée d’aller se faire soigner, elle n’arrive pas à être sincère : « Comment avouer à mon âge que je fais tout mes besoins sur moi-même ? Une femme est censée être le modèle de la propreté, et moi je dégageais des odeurs insupportables et laissant des saletés partout. Personne ne mérite de vivre cela. J’ai donc décider de mentir au prestataire de santé que je souffrais de diarrhée ». Gloriose a vécu dans cette humiliation et isolation pendant 20 ans. Depuis 2002, ce n’est qu’en 2022 qu’elle a pu se faire soigner grâce à une campagne lancée par UNFPA Burundi en partenariat avec le ministère de la Santé publique et de la lutte contre le sida.


Gloriose Mbonimpa en train de partager son témoignage

Toute belle et souriante, Gloriose a fait la promesse de sa vie : des 20 ans qu’elle a souffert de cette maladie, elle jure qu’elle fera tout pour sensibiliser contre la fistule obstétricale pour que aucune autre femme ou fille de sa communauté ne vive le même calvaire.

Une après l’autre, ces femmes s’expriment, elles se disent que pouvoir en parler est une thérapie dont elles avaient encore besoin. Donavine Ndayikengurukiye qui aujourd’hui a 23 ans a souffert de fistule obstétricale à ses 19 ans. « J’ai accouché d’un mort-né et 2 semaines après j’ai eu la fistule obstétricale. Des enfants me huaient dans la rue que je puais, des femmes à la maternité demandaient que l’on m’isole car je puais et faisait pipi au lit. En plus de la peine d’avoir perdu mon bébé je ne comprenais pas ce qui m’arrivait ». Donavine partage qu’elle avait eu un surnom qui lui poignardais au cœur : « la femme qui fait pipi au lit ».


"Je me faisais huer dans la rue par les enfants que je puais", partage Donavine Ndayikengurukiye

Donavine Ndayikengurukiye dit avoir été rassurée quand elle s’est rendue au centre urumuri, le seul centre du Burundi traitant la fistule obstétricale. Elle a été rassurée d’y rencontrer certaines se trouvant dans un même état et surtout d’autres déjà guéries qui attendaient de rentrer. « Apprendre que j’ai la chance de guérir était la meilleure nouvelle de ma vie », partage Donavine avec un large sourire.

J’ai décidé de soutenir ma femme et j’ai été exclu…


Olivier et Jeanine Miburo en train de partager leur témoignage

Aussi peu qu’ils sont, certains hommes décident de soutenir leurs femmes souffrant de fistule obstétricale. C’est à l’instar d’Olivier Miburo qui se faisait traiter de très « bête » pour avoir décidé d’accompagner son épouse dans ce processus et de l’avoir soutenu au lieu d’en chercher une autre. Rien qu’à évoquer cela, il s’exprime avec larmes aux yeux : « Tout le voisinage disait que je n’ai plus de femme, que celle que j’ai, a toujours des excréments sur elle, qu’elle put. Tout le monde me disait que je dois l’abandonner pour trouver une autre femme mais j’ai toujours refusé et je me faisais traiter de stupide par mes amis et tout le voisinage.Personne ne voulait même me saluer », s’exprime-t-il. Dans ce très dur parcours, Olivier Miburo a accompli tout seul toutes les tâches ménagères et a été obligé de vendre la seule terre cultivable de la famille pour subvenir à tous les besoins familiaux. « J’ai dû vendre la seule terre que nous avions car non seulement je n’arrivais plus à cultiver seul mais aussi c’était pour avoir un peu d’argent et subvenir aux besoins familiaux. Tous mes amis et voisins me charriait me disant que je n’ai que ce que je mérite car j’ai refusé de chercher une autre femme ».

Après la guérison de sa femme Jeanine, il pensait que la situation allait s’améliorer mais par contre ceci s’est empiré, car sa femme se faisait traiter par tout le monde de vaut rien et de personne vivant avec handicap. « Pouvez-vous imaginer que j’ai été exclu de notre groupement pour activités génératrices de revenus? On m’a refusé tout prêt disant que je suis comme veuf que je ne pourrais pas rembourser ? Me traiter de veuf alors que ma femme vit toujours. C’est terrible ce que les gens peuvent être cruels », termine Olivier Miburo.

Il n’a pas manqué à souligner que sa femme était encore fragile qu’elle ne pouvait plus se remettre à la culture que par ailleurs ils n’ont même plus de terre. Il se réjouit que UNFPA ait pu penser à eux.

Une lueur d’espoir…

Comme l’a si bien dit Olivier Miburo, UNFPA a en effet pensé à eux. En partenariat avec le ministère de la santé publique à travers son programme de santé de la reproduction, UNFPA Burundi a rencontré ces femmes guéries de fistule obstétricale et hommes non seulement pour les écouter mais aussi pour les sensibiliser à devenir des ambassadeurs dans la lutte contre la fistule obstétricale au Burundi. Ce fût aussi une occasion d’échanger avec ces femmes sur les différentes activités génératrices de revenus. Vu qu’elles ont pour la plupart vécu en isolement pendant plusieurs années, une autre séance a été organisée pour former ces femmes survivantes de fistule obstétricale en gestion d’activités génératrices de revenus pour leur bonne réinsertion socio-économique.


Les femmes guéries de fistule obstétricale en formation sur les activités génératrices de revenus

Elles ont également proposé de se mettre en réseau des survivantes des fistules obstétricales, un bon canal d’échanges d’expériences et de soutien mutuel. Un comité de suivi au niveau communal sera mis en place pour faciliter l’encadrement des bénéficiaires. Un contrat d’engagement à l’adhésion de l’approche « chaîne de solidarité » sera signé par chaque bénéficiaire pour garantir la continuité du développement des activités génératrices de revenus par les autres bénéficiaires. L’adhésion dans les associations à base communautaires est aussi une stratégie retenue à promouvoir pour les amener à avoir des opportunités d’appuis apportés aux personnes les plus défavorisées mais aussi des occasions d’échanges avec les autres personnes sur les différents défis notés au sien de leur communauté.

 

Pour mettre fin à la fistule obstétricale au Burundi et lutter contre toute sorte de rumeurs et de discrimination autour des femmes qui en souffrent, on ne pourrait y arriver sans la contribution effective des médias jusqu’au niveau communautaire. C’est ainsi qu’un concours médias intitulé « End Fistula » a été lancé en présence de 70 journalistes venus de tout le pays. Une occasion pour stimuler les journalistes à être plus intéressés à la lutte contre les fistules obstétricales en passant par la sensibilisation, le plaidoyer, l’information correcte bannir la rumeur, etc. La proclamation de ce concours se fera le lundi 04 décembre 2023.

De 2010 à juin 2023, plus de 3000 femmes souffrant de fistule obstétricale ont bénéficié d'un traitement chirurgical au centre urumuri de l'hôpital régional de Gitega avec taux de guérison estimé à 92.6%.

Par Queen Belle Monique Nyeniteka