Le camps de réfugiés de Musenyi, au Burundi, est devenu un refuge pour des milliers d'individus fuyant les violences intenses qui ont secoué la République Démocratique du Congo en 2024. Parmi les quelque 17 000 personnes ayant trouvé refuge, près de 3 000 sont des jeunes et des adolescents dont la vie a été brusquement interrompue. Déracinés et vulnérables, ils font face à des défis immenses.
Ces jeunes ont fui leurs foyers, leurs écoles, et leurs rêves, laissant derrière eux familles et amis. Leurs témoignages sont poignants. Sheïlla, 15 ans, raconte : « Ces membres de groupe rebelle, je les ai vus. Ils sont venus chez nous et ont pris mon frère. Ma mère est partie après pour essayer de le ramener… Et la guerre s'est intensifiée, on a été obligé de laisser notre mère derrière… Je n'ai aucune nouvelle à propos de l’endroit où se trouvent mes frères et sœurs et même où se trouve ma mère. » Ces mots simples, mais chargés d'émotion, témoignent de la déchirure de l'exil, de la perte de repères, et de l'angoisse de l'inconnu.
L'UNFPA en action : briser les tabous à travers le jeu et la connaissance
L'UNFPA, l'agence des Nations Unies chargée de la santé de la reproduction qui est aussi engagé dans l'accomplissement du potentiel des jeunes et dans la lutte contre les violences basées sur le genre a rapidement compris l'urgence de la situation. Au-delà du simple abri et de la nourriture, il était crucial de répondre aux besoins spécifiques de cette jeunesse fragilisée. Une mission ciblée a été déployée à Musenyi avec un objectif clair : ouvrir le dialogue sur des sujets souvent tabous, comme la santé sexuelle et reproductive, et armer les jeunes des connaissances contre la violence basée sur le genre, un risque malheureusement accru dans les contextes de crise humanitaire.
Sur le terrain, les équipes de l'UNFPA ont constaté une double vulnérabilité : une exposition élevée aux risques de violence et un manque criant d'informations essentielles sur leur corps et leurs droits. Les conséquences peuvent être évidentes : grossesses précoces, propagation d'infections sexuellement transmissibles, et un silence pesant qui empêcherait les jeunes de chercher de l'aide. « J'ai eu mes premières règles alors que j'étais allée puiser de l'eau. J'ai senti un liquide couler et je me suis demandé si j'avais pas une infection… », confie Rosette, 14 ans, illustrant l'ignorance et la peur qui entourent souvent les questions de santé intime.
Pour briser ce silence et déconstruire les tabous, l'UNFPA a opté pour une approche innovante et ludique. Le camp de réfugiés est devenu un espace d'apprentissage dynamique, où les jeunes pouvaient s'exprimer, échanger, et surtout, se sentir écoutés.
Le football, un vecteur d'égalité et de rêve
Des tournois de football ont été organisés, allant bien au-delà du simple sport. Des équipes de filles et de garçons âgés de 10 à 14 ans et de 15 à 19 ans se sont affrontées sur le terrain, dans une ambiance festive. Ces matchs sont devenus des leçons de respect, d'égalité et de collaboration. « L'UNFPA m'a beaucoup aidé. Car il a ramené mon rêve à la vie... Du coup, je remercie l'UNFPA de nous avoir apporté les ballons et ravivé mon rêve de devenir footballeuse », témoigne Sheïlla, dont le rêve avait été brisé par la guerre.
Les danses traditionnelles congolaises ont permis aux jeunes d'exprimer leur identité culturelle tout en intégrant des messages de prévention des violences basées sur le genre et de résilience psychologique. Un atelier a particulièrement marqué les esprits : la confection et l'utilisation de colliers de perles pour expliquer le cycle menstruel. Une méthode simple, mais efficace, qui a permis de démystifier ce sujet souvent entouré de mystère. « On nous a appris comment compter le cycle menstruel normal. Ça nous aide nous les filles, comment nous gérer, comment bien nous comporter et comment bien compter nos jours », explique Précieuse, 18 ans.
Un dialogue adapté pour un impact durable
L'approche par petits groupes, adaptée à chaque âge, a favorisé des discussions plus intimes et personnalisées. Pour les plus jeunes, les échanges ont porté sur les changements physiques de leur corps et les émotions liés à la puberté, les relations sociales et l'importance de l'identité personnelle. « Ces séances ont été une véritable lumière pour moi. Elles m'ont permis de bien comprendre les mystères de mon propre corps... », confie Gloire, jeune garçon de 17 ans. Les plus âgés ont abordé des sujets plus complexes, comme la prévention des comportements sexuels à risque et les conséquences des grossesses précoces. « Tout cela implique que je sache la façon dont je vais me protéger et me comporter vis-à-vis des filles pour que je n'engrosse pas une fille », poursuit Gloire.
Plus de 800 jeunes ont été touchés directement par cette initiative. Les graines de la connaissance et de la confiance ont été semées, et l'espoir commence à renaître. Les témoignages recueillis sont unanimes : l'UNFPA a fait une différence dans leur vie. « Nous étions assises là quand l'UNFPA est venu nous donner des séances de sensibilisation constructives et de qualité... Nous sommes aussi reconnaissants pour les jeux que l'UNFPA a apportés ainsi que les serviettes hygiéniques », souligne Angélique, 17 ans, elle aussi réfugiée dans le camp.
Ces séances de sensibilisation à Musenyi représentent une lueur d'espoir. Elles montrent qu'il est possible de redonner aux jeunes réfugiés les outils essentiels pour protéger leur santé, prendre des décisions éclairées, et reprendre leur avenir en main, même au coeur de l'exil.
Par Alec Junior Rumbete et Jessé Kelly Inkurize