« Pendant 40 ans j’ai vécu souffrant de fistule obstétricale et c’est tout ce que j’ai eu de la vie », témoigne avec larmes aux yeux Marguerite Sinzobakwira, femme de 63 ans se trouvant au centre Urumuri pour se faire traiter.
Marguerite Sinzobakwira a vécu 40 ans de calvaire, 40 ans d’isolement, 40 ans de solitude, 40 ans de confusion pour avoir souffert de la fistule obstétricale dès sa première grossesse. En effet, à 20 ans, elle se voit obligée par sa famille d’épouser un homme âgé autour de soixante-dix ans comme elle le témoigne. Elle tombe enceinte 3 ans après, mais au terme de sa grossesse, elle perd son bébé pour quelques jours après se rendre compte qu’elle ne peut plus retenir ses selles. Elle se demande ce qui se passe et finit par apprendre qu’elle souffre de fistule obstétricale. Vivant à Bugenyuzi en province de Karusi elle ne peut qu’accepter son sort. Pourtant, elle est soutenue par son mari contrairement à plusieurs autres femmes fistuleuses, car il voulait qu’elle se fasse soigner. Malencontreusement, son mari tombe gravement malade à cause de son âge et Marguerite se voit obligée d’accepter de vivre avec la fistule obstétricale et de s’occuper d’abord de son mari très souffrant.
Avec la mort de son mari, le calvaire s’empire
« Mon mari ne m’a jamais délaissée à cause de la fistule obstétricale. Il était mon seul espoir et mon calvaire s’est empiré quand la maladie l’a emporté. Je me suis sentie seule au monde, souffrant de la fistule obstétricale, et 40 ans après je n’ai toujours pas personne à mes côtés », partage Marguerite. Elle indique que ses belles-filles ont toujours refusé de l’aider à se rendre au Centre Urumuri en province de Gitega pour se faire soigner prétextant qu’elle n’était pas leur mère et qu’elle n’avait pas eu d’enfants avec leur père, donc elle est une parfaite étrangère pour elles. En plus de ses belles-filles, Marguerite a vécu le rejet même de son voisinage. Pendant 40 ans elle ne recevait pas de visite chez elle et ne s’est plus rendue à la messe.
« J’ai toujours vécu le rejet à cause de la fistule obstétricale. Pendant ces 40 ans, je ne me suis plus rendue à la messe, non pas que je ne voulais pas prier mais juste à cause des odeurs que je dégageais et personne ne restait à mes côtés. C’est très gênant de voir les gens se lever à chaque fois que tu les approche, ou se boucher le nez à ton passage, tu finis toi-même par t’isoler. Dans le voisinage, personne ne venait me rendre visite, j’étais devenue comme une malédiction », renchérit Marguerite.
Le traitement de la fistule obstétricale est gratuit grâce au Centre Urumuri soutenu par ses partenaires dont UNFPA
Au moment où elle s’y attend le moins, Marguerite voit le bout de son tunnel. Une femme vient lui rendre visite. Cette dernière avait appris que Marguerite souffre de fistule obstétricale. Elle comprend énormément le calvaire que Marguerite vit, car elle-même ayant souffert de la fistule obstétricale et ayant été traitée et guérie au centre Urumuri lors de la campagne organisée en été 2018. Elle lui promet de l’accompagner à Gitega au Centre Urumuri, le seul centre d'ailleurs traitant la fistule obstétricale. Marguerite Sindabakwira est maintenant heureuse car elle espère vite se rétablir. « Je n’aurais jamais espérer un jour me faire soigner, je m’étais résignée à mon sort quoi que chaque fois j’essayais d’économiser trop peu d’argent pour parvenir à me payer le ticket de transport pour Gitega. Maintenant je peux sourire car je suis dans les bonnes mains bientôt je vais être traitées et je vais enfin retrouver ma dignité », se réjouit Marguerite.
La fistule obstétricale est traitable et guérissable! Toutefois, la prévention est primordiale notamment par la lutte des grossesses précoces. En effet, au Burundi, 58 sur 1000 adolescentes âgées de 15 à 19 ans ont déjà eu un enfant. La prévention sera aussi possible par l’élimination des grossesses non désirées par la planification familiale et l’accès aux soins maternels de qualité notamment les soins obstétricaux d’urgence. Pour UNFPA, aucune femme ou fille, à l’instar de Marguerite, ne devrait être privée de sa dignité, de ses espoirs et de ses rêves. « La fistule est une violation des droits humains - mettons fin à cela maintenant" ,interpelle Dr Natalia Kanem, Directrice Executive de UNFPA.
Par Queen BM Nyeniteka